Epreuves oubliées #4 : Boucles du Grand Jemeppe
Après l'avoir laissée de côté durant plusieurs mois, il est temps de retrouver notre série consacrée aux épreuves oubliées. Pour l'occasion, nous retournons dans une période bénie au cours de laquelle il n'était pas rare que le moindre petit rallye provincial compte jusqu'à 6 ou 7 étapes spéciales différentes. Et le fait que plusieurs de ces spéciales bloquent des villages entiers ne posait alors généralement aucun problème. Cela nous ramène en l'occurrence à la fin des années 1980. C'est à cette époque qu'une petite équipe de la Basse-Sambre décidait de mettre sur pied un nouveau rallye, appelé "Boucles du Grand Jemeppe".
La première édition a lieu en 1987. La plateau est plutôt maigre, avec à peine une quarantaine de voitures au départ. Mais malgré le faible succès d'affluence, le succès sportif est au rendez-vous et Raymond Horgnies l'emporte au terme de l'épreuve.
L'avènement vient dès la deuxième édition en 1988. Le nombre de participants a doublé. Et parmi les pilotes présents, on retrouve quelques grands noms. Raymond Horgnies vient défendre son titre en Nissan 240RS. Il est notamment opposé à José Lareppe (Manta), Serge Verstaen (Ascona 400), Jean-Marie Milissen (Manta 400), Joseph Lejeune (Sierra RS Cosworth), et même Flory Roothaert qui s'aligne sur sa Nissan 200SX du championnat de Belgique avec le soutien du garage Ciepers de Jemeppe-sur-Sambre. Avec plusieurs pilotes du national, c'est un plateau exceptionnel pour ce petit rallye qui n'est même pas encore interprovincial. Et le parcours aussi prend du galon. L'épreuve débute dès le samedi soir avec une étape show faisant le tour de la Place de Moustier avant d'aller se terminer dans le centre de Spy. Le dimanche, ce sont 4 boucles de 5 spéciales qui sont au rendez-vous, avec plusieurs belles portions en terre à Froidmont (près de la grotte de Spy), à Fayat, à la sortie du zoning des Isnes, ou à Hordin. Ces deuxièmes Boucles du Grand Jemeppe sont dominées et remportées par Jean-Marie Milissen qui montre de plus en plus l'étendue de son talent à cette époque. Le podium est complété par Horgnies et Verstaen, tandis que Roothaert ne termine que sixième.
La descente de la terre d'Ordin aujourd'hui.
Pour la troisième édition en 1989, les organisateurs doivent quelque peu revenir les pieds sur terre. Ils tentent à nouveau d'attirer des pilotes de niveau (inter)national, mais aucun d'entre eux ne peut répondre à l'appel et ils doivent donc se contenter d'une affiche provinciale de qualité. De nouveau entamée par un prologue le samedi soir, l'épreuve est dominée par Raymond Horgnies, toujours sur Nissan 240RS, qui résiste au splendide retour de Serge Verstaen en fin de course. Horgnies s'impose finalement avec 12 secondes d'avance sur le garagiste d'Ecaussines. Le local Pierre Sprumont, de Spy, termine sur la troisième marche du podium avec sa mythique BMW 2002.
L'édition 1990 confirme la réussite de l'épreuve. Un succès et une qualité d'organisation qui permet enfin son accession au championnat interprovincial en 1991. L'épreuve se cantonne désormais à la journée du dimanche, avec tout de même 3 boucles de 6 spéciales et une demi-boucle de 3 spéciales, soit 21 spéciales au total. Si plus aucune vedette n'est présente, tous les cadors du provincial de l'époque sont au départ. Mathy, Verstaen, Min, Glendza, Kremer, Pagani, Dorn, Dernivois, Dossogne, Sterckx, Delleuse, ... Mais tout ce beau monde n'empêche pas Raymond Horgnies de décrocher une troisième victoire à Jemeppe sur Sambre, cette fois-ci en Opel Manta. Le boulanger d'Arsimont devance les montures similaires de Nicolas Min et Dominique Kremer, ce dernier étant pénalisé par une crevaison alors que la deuxième place se profilait à l'horizon.
Mais cette édition 1991 restera malheureusement la dernière des Boucles du Grand Jemeppe. L'épreuve n'a plus lieu à partir de 1992. Une disparition regrettable, précipitée par le décès en janvier 1992 de Pascal Vassart, une des chevilles ouvrières du club organisateur. Depuis lors, les autres épreuves voisines qu'étaient le Criterium Bernard Allen et le Rallye de Sombreffe ont aussi disparu. Et la région de la Basse-Sambre est malheureusement désormais vide de tout rallye...
Rallye fétiche
L’East Belgian Rally, qui s’est déroulé ce samedi 26 septembre, fut sur le plan purement sportif une grande édition. Vous avez probablement suivi la bagarre à la seconde que se sont livrés les favoris jusqu’à ce dénouement nocturne dans la toute dernière spéciale. Un suspense haletant auquel le BRC ne nous avait pas habitués cette année. Et, une fois n’est pas coutume, aucun incident majeur n’était à signaler.
On peut malgré tout regretter la manque d’innovation de la part des organisateurs de l’épreuve ces dernières saison. Le parcours n’évolue que très peu à chaque nouvelle édition. Certaines spéciales restant même identiques d’année en année. Beaucoup de spectateurs éprouvent de la lassitude. Et sur un parcours que les pilotes connaissent de mieux en mieux, le spectacle ne tend pas à augmenter… C’est particulièrement regrettable dans une région aussi belle et qui accueille toujours le rallye à bras ouverts. Il suffit pourtant de voir certaines routes qui permettent d’accéder aux spéciales pour se rendre compte que les possibilités de changements existent.
Mais revenons au sport ! Tout le monde pronostiquait une nouvelle victoire de Skoda ce week-end. C’est bien une Skoda qui l’a emporté, mais pas celle que l’on attendait. En début de course, Freddy Loix jouait pourtant la tête de la course. Mais, une fois n’est pas coutume, la mécanique l’a trahi ! Un abandon qui ne l’empêche heureusement pas de décrocher son troisième titre de champion de Belgique consécutif. Chris Van Woensel était également en mesure de gagner à Saint-Vith, mais une défaillance mécanique le contraignait lui aussi à se ranger sur le côté. Il s’agit du quatrième abandon en autant de participations au niveau national cette année pour Van Woensel. Une saison catastrophique pour lui !
Ces deux abandons laissaient le champ libre à Kris Princen et Vincent Verschueren, mais aussi à Hermen Kobus. Après un début prudent, le Batave revenait progressivement sur ses adversaires en cours de route. En deuxième partie de journée, les trois hommes se tenaient en à peine quelques secondes, plusieurs spéciales durant. Kobus prenait finalement la tête dans l’avant-dernier chrono avant d’asseoir définitivement sa victoire dans le dernier tronçon d’Amel. D’anthologie ! Princen, deuxième, et Verschueren, troisième, se voient à nouveau souffler la victoire par une Skoda. Un résultat qui confirme une fois encore que la Fabia R5 est désormais LA voiture à battre (pour peu qu'il soit possible de la battre) dans sa catégorie.
Cette victoire est la première de Kobus à ce niveau de compétition. Il n’est pas étonnant qu’elle vienne sur le tracé rapide de l’East Belgian Rally, une épreuve qui a souvent réussi au Néerlandais. Un rallye fétiche sur lequel il a plusieurs fois signé des prestations-références annonçant des séries de résultats convaincants. Ce fut pour la première fois le cas en 2010. A l’époque, Hermen Kobus n’était qu’un pilote néerlandais moyen présent dans les cantons de l’Est dans le cadre de son championnat national. Au volant de sa Renault Clio R3, il avait signé quelques résultats valables chez lui cette saison-là. Mais personne ne s’attendait à ce qu’il les confirment à l’East Belgian Rally, sur un parcours d'hommes. Flanqué d’un modeste numéro 60 sur les portières de sa Clio blanche, il terminait à une inattendue neuvième place finale, au milieu du peloton des 4 roues motrices ! La machine était lancée. Inconnu jusque là, Kobus allait devenir une référence sur le sol belge, devenant même champion de Belgique de sa catégorie en 2011 sur cette même voiture.
Dans le courant de la saison 2012, il passait à la Ford Fiesta S2000 pour quelques courses, avant de s’attaquer à un championnat presque complet en 2013. Après avoir signé quelques très belles performances cette année-là, Kobus se présente au départ de l’East Belgian Rally avec l’étiquette de favori en l’absence de Freddy Loix, déjà sacré. Mais dès le premier chrono à Büllingen, il part à la faute et perd plusieurs dizaines de secondes. D'entrée de jeu, la victoire est à oublier, mais il signe tout de même plusieurs temps scratch dans son style spectaculaire désormais caractéristique. Profitant des abandons de certains de ses adversaires, il termine finalement deuxième dans les échappements du vainqueur Snijers. Sans sa sortie, il l’aurait sans doute emporté, mais il décroche à Saint-Vith le premier podium belge de sa carrière.
Une performance en 2013 qui augure une fois encore une saison 2014 exceptionnelle. Après plusieurs podiums, dont un de plus à l’East Belgian Rally, Kobus termine finalement troisième du championnat, uniquement battu par Loix et Cherain.
Absent des rallyes pendant la première moitié de la saison 2015, le bouillant néerlandais a fait son retour depuis cet été sur une Skoda Fabia R5. Après une victoire en VAS à Staden et des places d’honneur au Barum et au Hellendoorn, il a donc décroché ces premiers lauriers nationaux tant attendus. Après avoir du se battre au volant d’une Fiesta de plus en plus dépassée, il bénéficie désormais de la meilleure voiture. Et si la tradition qui le lie dorénavant à l’East Belgian Rally se confirme, cette victoire annonce une campagne jalonnée de succès pour 2016. Ce ne sera certainement pas chose aisée. L'objectif d'Hermen Kobus est désormais de faire partie du top européen et son programme s'orientera donc vers notre championnat continental la saison prochaine. Souhaitons lui que les résultats soient au rendez-vous. Et souhaitons aussi d'autres participations couronnées de réussite à l'East Belgian Rally, son rallye fétiche.
La belle histoire de Skoda sur les rallyes belges
Skoda est un des constructeurs qui gagnent le plus en rallye depuis quelques années. C'est non seulement vrai au niveau international, avec des titres et des victoires depuis plusieurs saisons pour la Fabia S2000 et désormais pour la Fabia R5, mais ça l'est encore plus sur la scène belge. Freddy Loix sera plus que probablement sacré champion de Belgique ce samedi à Saint-Vith, à l'occasion de l'East Belgian Rally. Et pour la seconde fois consécutive, il le sera après avoir disputé toute la saison en Skoda. La marque tchèque a désormais acquis le même statut que certains grands constructeurs historiques, qu'ils soient français, allemands, ou japonais notamment. Une situation que peu de gens auraient imaginée il y a de cela vingt ans ou plus. Car l'ascencion de Skoda sur le marché des voitures de série est récente, comme l'est la majeure partie de son palmarès sur nos rallyes belges. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que Skoda n'a pas d'histoire, bien au contraire. Alors profitons de l'occasion pour revenir en arrière et passer en revue l'épopée des Tchèques dans nos compétitions routières.
Et pour débuter cette longue histoire, nous faisons un bon dans le passé de plus de 50 ans, nous ramenant en 1964 ! A cette période, les voitures de rallye ne sont encore que des voitures de série légèrement améliorées, et les épreuves se déroulent essentiellement sur des routes ouvertes à la circulation. Parmi les ténors de l'époque, nous retrouvons deux frères originaires de la région liégeoise. Ils se nomment André et Hubert Mombaerts. Le premier des deux est notamment connu pour avoir remporté les Boucles de Spa et les 12 heures de Huy sur une Lotus Elan. Ces deux frères ont un garage dans lequel ils vendent notamment des Skoda. Il fallait donc bien qu'un jour l'un d'eux s'engage sur une épreuve au volant d'une de leurs voitures de la marque. C'est ce qui arrive à l'occasion des 12 heures d'Ixelles 1964, lors desquelles Hubert s'aligne au volant d'une Octavia de série sous le pseudonyme "Hubaerts". Il ne fait pas figure de favori avec cette voiture. Mais les conditions météorologiques - nous sommes en décembre - viennent jouer les trouble-fêtes. La neige et les congères rendent le parcours très difficile à négocier pour beaucoup de participants. Ce n'est pas le cas pour la Skoda Octavia, plus massive, et contre toute attente Hubert Mombaerts s'impose. Voici en 1964 la première victoire d'une Skoda en championnat de Belgique !
Est-ce l'habitude de l'hiver tchèque qui rend les Skoda si performantes dans les conditions neigeuses ? Probablement pas, mais toujours est-il que c'est à nouveau sur un épais tapis blanc que nous retrouvons les voitures de la marque aux avant-postes dans notre pays, deux décennies plus tard. L'équipe d'usine Skoda décide de participer aux Boucles de Spa en 1985, y alignant 2 petites 130LR Groupe B pour Ladislav Krecek et Svatopluk Kvaizar, deux pilotes du cru. Dans des conditions difficiles et après plus de 400 kilomètres de spéciales, le premier nommé termine à une surprenante quatrième place. Un résultat qui encourage les Tchèques à remettre le couvert l'année suivante. En 1986, dans des conditions encore plus dures que ce qu'elles n'étaient un an plus tôt, Krecek termine deuxième, à 33 secondes à peine du vainqueur Jean-Claude Probst. Kvaizar termine quant à lui quatrième, complétant cette prouesse historique.
Mais à une époque où les voitures de rallye n'étaient que des voitures de série modifiées, Skoda n'était pas en mesure de jouer les premiers rôles de façon récurrente, ne produisant essentiellement que des modèles de petite cylindrée ou peu sportifs. Il faut attendre les années 90 pour que cela change. C'est à cette époque qu'apparait une nouvelle réglementation autorisant la présence en rallye de voitures de course construites de toutes pièces, les Kit Car et les World Rally Car. Skoda se lance alors à l'assaut du championnat du monde de la discipline. Tout d'abord avec la petite Felicia Kit-Car, qui décroche quelques succès dans sa catégorie, puis ensuite avec l'Octavia Kit-Car et, à partir de 1999, avec l'Octavia WRC.
Cette présence au plus haut niveau ne reçoit cependant pas tout de suite d'écho sur les épreuves belges. Mais cela va changer à partir de la saison 2001. Cette année-là, Bruno Thiry est appelé par le constructeur tchèque pour seconder Armin Schwarz en championnat du monde. Cette saison, une des dernières de Bruno à ce niveau, ne sera pas couronnée de beaucoup de succès. Mais elle se termine par une sympathique participation au Rallye du Condroz. Il s'agit de la première apparition en course d'une Octavia WRC en Belgique. La suite, vous la connaissez sans doute déjà. Cette édition de la manche hutoise sera l'une des plus mythiques. Thiry livre un duel sans merci face à Larry Cols pour la victoire finale. Une lutte à la seconde, littéralement, qui ne trouve son épilogue que dans la toute dernière spéciale, à Marchin. Cols cède, Thiry s'impose, et Skoda renoue avec le succès sur le sol belge.
La machine semble petit à petit lancée. L'Octavia WRC est de plus en plus prisée par les pilotes des championnats nationaux. En Belgique, David Sterckx dispute plusieurs courses à son volant en 2002 et 2003, mais la fiabilité fait à chaque fois défaut. Puis en 2006, c'est au tour de Xavier Bouche de tenter l'expérience. Son programme débute à l'Ardenne Bleue Rallye. Il y est le plus rapide en début de course. Mais dans des conditions difficiles, il part à la faute et ne termine finalement qu'à une anonyme 36e place. Zaza remet le couvert au Rallye de Wallonie, avec cette fois une deuxième place finale à la clé. Enfin, au Rallye de la Famenne, au niveau provincial, il sort de nouveau de la route et abandonne.
A ce même Rallye de la Famenne, une autre Skoda est présente. Celle de Jean-Pierre Vandewauwer, qui aligne une Fabia WRC, le modèle qui a remplacé l'Octavia depuis 2003 en championnat du monde. Au volant de cette Fabia préparée chez First Motorsport à Andenne, "Vande" s'impose haut la main. Mais un autre pilote belge se mit aussi en évidence sur la Fabia WRC de First cette année-là. Il s'agit ni plus ni moins de François Duval, qui cherche à se relancer après son éviction de chez Citroën. "Dudu" dispute plusieurs manches mondiales en 2006, avec quelques chronos épatants à la clé, mais sans pouvoir jouer avec les voitures officielles plus performantes. Il est aussi présent en fin de saison au Rallye du Condroz. Face à Bruno Thiry et Pieter Tsjoen, François signe une prestation parfaite et s'impose haut la main. C'est la deuxième victoire d'une Skoda à Huy !
Depuis lors, la présence des Octavia et Fabia WRC en Belgique s'est multipliée avec de nombreux podiums à la clé, ainsi que plusieurs victoires au niveau provincial. Parmi les pilotes qui se sont mis en évidence au volant d'une WRC tchèque, citons notamment Eric Cunin, Benoit Allart, Olivier Cartelle, Jean-Pierre Vandewauwer, Bart Maes ou David Bonjean.
Mais l'étape suivante débute réellement en 2009, lorsque Skoda lance la Fabia S2000 en IRC. Il ne fait aucun doute que cette voiture est très bien née. Elle est d'emblée au niveau de ses adversaires, et souvent plus rapide. A Ypres, Jan Kopecky et Juho Hänninen se montrent à leur affaire, mais ils sont encore trop courts pour rivaliser avec l'expérience de Loix et de Meeke.
Le premier Belge à gouter à la Fabia S2000 est Bernd Casier. A son volant, il s'impose d'abord au JMC Rallye à Jalhay, avant de terminer deuxième du Rallye du Condroz. Ces performances séduisent un nouveau sponsor, la société BFO. BFO se lance en 2010 dans le rallye et mise pour ce faire sur la Fabia et sur Freddy Loix, le spécialiste belge de la S2000. Une histoire d'amour entre le pilote et la marque tchèque qui débute en 2010 et qui ne s'est pas encore terminée...
Au volant de la Skoda Fabia S2000, Freddy a presque tout gagné en moins de 6 saisons. En 2010, il remporte Ypres, Madère et le Barum en IRC, ainsi que le Condroz en Belgique. En 2011, il gagne à Ypres, ainsi qu'au Bohemia Rally en République Tchèque. Il termine aussi à la deuxième place du mythique Monte-Carlo. Après deux saisons d'infidélité, bien qu'il ait encore remporté Ypres en Fabia en 2013, Freddy revient dans le giron Skoda en 2014. Il remporte à nouveau Ypres, et également l'Haspengouw, devenant par la même occasion champion de Belgique.
Et que dire de la saison 2015 ? Loix et Skoda ont déjà gagné 5 fois ensemble cette année. Le Spa Rally, le TAC, le Sezoens, Ypres et l'Omloop van Vlaanderen sont venus rejoindre leur interminable tableau de chasse. Depuis quelques mois, la Fabia R5 a remplacé la S2000, prouvant ainsi que Skoda sera en mesure de jouer la victoire pendant encore plusieurs saisons. Un nouveau titre se profile déjà ce samedi, et peut-être une nouvelle victoire également...
Il est loin le temps des petites cylindrées robustes qui savaient profiter des conditions hivernales. Skoda propose aujourd'hui de véritables voitures de course, parmi les meilleures de leur catégorie. Qui l'aurait cru il y a de cela 20 ou 30 ans ? Rien ne semble plus pouvoir arrêter Skoda dans sa quête de victoires sur le sol belge. Il est probable que d'ici quelques saisons, l'histoire de la marque sur nos rallyes sera devenue trop longue que pour être racontée. C'est tout le mal qu'on lui souhaite...
Le Circuit des Flandriens
Le dernier Omloop van Vlaanderen a livré un verdict annoncé par tous. Freddy Loix l’emporte et est quasiment assuré d'être champion de Belgique pour la troisième année consécutive. Ce résultat était prévisible depuis des mois et Freddy a livré la course parfaite que l’on attendait de lui au volant de la Fabia R5. Le retrait de Kris Princen était presque aussi prévisible. Il s’agit du quatrième abandon consécutif du Trudonnaire, dont le deuxième pour des causes mécaniques. La débacle des adversaires directs de Loix profite au jeune équipage composé de Guillaume Dilley et Louis Louka. Ils ont livré une prestation excellente ponctuée par une 5e place au classement général et le titre dans leur catégorie. Dilley occupe même solidement la deuxième place générale au championnat ! Une performance fantastique mais qui met aussi en avant l’absence d’opposition valable face à Loix et Skoda.
Bref ! L’attrait de cette 7e manche du BRC 2015 était à trouver ailleurs que dans la course en tête. L’Omloop van Vlaanderen est l’épreuve la plus ancienne du championnat. Depuis 1960, elle sillonne les petites routes flandriennes typiques (ce n’est pas le « Circuit des Flandres » pour rien). Si à son palmarès figurent quelques légendes comme Stapelaere, Duez, Thiry, De Mévius, ou Snijers, entre autres, il tient à coeur à bon nombre de locaux de s'y illustrer. Alors quoi de plus logique si l'absence de vedettes cette année a permis de voir apparaitre dans la lumière plusieurs de ces régionaux habituellement cantonnés aux seconds rôles.
Commençons tout d'abord par Vincent Verschueren. Même si sa prestation s'est soldée par une effusion d'huile, le pilote de Flandre Orientale a étonné plus d'un suiveur. Il n'a jamais été aussi proche de Loix et de Princen depuis ses débuts en R5 l'an dernier. Il a même signé deux meilleurs temps au plus fort de la bagarre ! Vincent confirme enfin son talent au volant d'une voiture de toute dernière génération. Si il parvient à joindre la fiabilité et la régularité à sa pointe de vitesse, il pourra bientôt rêver d'une première victoire en BRC qui fait toujours défaut à son palmarès.
Ces mésaventures rencontrées par Princen et Verschueren ont surtout profité à un homme : Didier Duquesne. Bien qu'il n'ait pas signé des chronos exceptionnels, il a livré une course parfaite, celle que l'on attendait dans pareilles circonstances. Aucune erreur et une belle régularité. De quoi décrocher une deuxième place totalement inattendue, un premier podium au niveau national pour Duquesne qui n'en est pourtant qu'à ses débuts au volant d'une R5. Après avoir joué la victoire à l'échelon provincial, le voici maintenant à signer des podiums en BRC. Espérons que cela l'incite à élargir son programme à ce niveau et à se mesurer plus souvent aux références que sont Loix, Princen ou Verschueren.
Derrière ces R5, la bagarre a fait rage à coup de secondes pour le dernier étage du podium. Si finalement Jourdan Serderidis a fait parler les chevaux de sa DS3 WRC, la meilleure voiture du plateau quand même, il a notamment du batailler avec quelques régionaux moins bien équipés. A commencer par Filip Pyck, qui termine 4e. Le marchand de café de Poperinge confirme sa progression régulière depuis plus de deux ans maintenant. Après son titre de champion de Belgique Groupe N en 2013, il est allé tenter sa chance en France. Une initiative qui semble porter ses fruits, comme en témoigne son résultat final à Roulers. Mais tout le week-end, un second pilote de Lancer R4 a fait jeu égal avec Pyck. Il s'agit de Bert Coene. Le plus local de tous puisque originaire de Moorslede. Malheureusement, une crevaison lors du dernier passage à Passendale lui a fait perdre le bénéfice de sa très belle course. Mais tout comme Pyck, il a surpris tout le monde en étant un peu plus rapide qu'à son habitude. Preuve que les perspectives qu'offre un plateau moins garni en motivent plus d'un !
Un qui n'étonne plus, mais qui confirme, c'est Tobi Vandenberghe. Il signe son troisième top 10 de l'année. Avec même un quatrième meilleur temps à son actif. Les seuls à avoir fait mieux avec une BMW Série 1 jusqu'ici se nomment Patrick Snijers et Chris Van Woensel. Rien de moins ! Vandenberghe est de la trempe des tout grands. Un gros coeur dans les endroits rapides, et ce qu'il faut d'efficacité dans les virages plus lents. Souhaitons pour lui, et pour nous, qu'il puisse nous régaler encore longtemps au volant de voitures d'hommes comme cette BMW.
Toujours au rayon des propulsions, la plus grosse révélation du week-end vient d'un autre pur régional : Pieter-Jan Maeyaert, citoyen de Roulers. Tous les spectateurs ayant suivi cet Omloop ont vu au moins un gros passage de l'homme à l'Escort. Et souvent plusieurs... Si le plateau avait été plus relevé, nul doute que nous aurions eu moins d'occasions d'apprécier son style ultra-généreux. Maeyaert disputait l'an passé son tout premier rallye ici-même. Sa progression est si fulgurante qu'il en est même à approcher les temps de Stouf, une référence absolue en Historic, à peine un an après ses débuts ! Il hérite finalement de la 16e place finale mais se montre surtout comme un protagoniste pour les premiers rôles de sa catégorie à l'avenir.
Et il suffit de descendre encore dans le classement pour trouver d'autres régionaux qui ont animé ce week-end à domicile à leur façon. Steven Dolfen, troisième en R2. Christophe Merlevede, de plus en plus rapide même si cela passe par une tranchée dans les maïs... Ou Wouter Lievens, lui aussi fautif mais malgré tout dans le top 20 final dans un style très agréable visuellement.
Cet Omloop van Vlaanderen aura démontré tant bien que mal qu'il n'est pas nécessaire d'avoir 10 R5 et 5 WRC pour voir un beau rallye. Le spectacle se situe à tous les échelons et vient parfois de là où on ne l'attend pas. Pour autant qu'on sache l'apprécier bien sûr...
Rally van Looi 1988
Ce samedi 22 aout après-midi a lieu le Memorial Rally van Looi. Cette sympathique initiative permettra de commémorer les 20 ans de la dernière édition en date de cette mythique épreuve, c'était en 1995. Attention, il ne s’agit que d’une balade touristique à parcourir à une moyenne kilométrique assez faible et nullement d’un rallye de vitesse sur routes fermées. Ce sera en tout cas l’occasion pour les participants et les suiveurs de retrouver des routes et des lieux mythiques de l’épreuve. Et même de revoir Patrick Snijers sur une Toyota Celica GT4 et Valère Vandermaesen sur une Mercedes 190E en partie semblables à celles qu’ils ont pilotées dans l’épreuve campinoise à l’époque. Si vous souhaitez vous y rendre, sachez que le centre de l’épreuve sera tenu au centre culturel Het Loo à Tessenderloo. Rendez-vous sur www.rallyvanlooi.be pour plus d’informations.
Pour l’occasion, nous allons revenir sur une des éditions les plus mémorables du Rally van Looi, celle de 1988 qui était la première dans le cadre du Championnat de Belgique des rallyes internationaux. L’épreuve, créée dans les années 70, a rapidement gravi les échelons en devenant un classique du VAS (le championnat provincial flamand) puis en accédant au championnat national en 1985. Et après une édition 1987 particulièrement réussie, il était logique qu'elle accède à « l’Inter » l’année d’après.
Le plateau de l’édition 1988, qui a lieu les 22 et 23 octobre, est d’un très haut niveau. On retrouve tous les cadors du Groupe A de l’époque, exception faite de Vandewauwer. Patrick Snijers, Robert Droogmans, Guy Colsoul, Marc Soulet, Ivan Viaene, Valère Vandermaesen et même Lars-Erik Walfridsson sont de la partie, tout comme Marc Duez sur la Golf GTi sponsorisée par Auto 5. Il en va de même en Groupe N avec les présences de Grégoire De Mévius, tout jeune papa d’un petit Ghislain, Didier Monin, Vital Budo, Omer Saelens, Dirk Vermeersch et Michel Maes.
Quant au parcours, il regroupe à peu près toutes les spéciales classiques en devenir de la région. Il y a les plus proches du centre que sont Gerhagen, Rodeberg ou Oosterbergen, qui comportent un beau pourcentage de terre. Il y a des spéciales plus éloignées et plus courtes, à Westerlo et à Olen. Et il y aussi 2 spéciales dans des camps militaires, à Grobbendonk (nous en avions déjà parlé en évoquant le Kempen Rally 1979) et à Leopoldsburg. Cette dernière spéciale est entièrement interdite au public, comme quoi la vie des spectateurs n’était pas toujours si rose que ça à l’époque !
La spéciale de Gerhagen. La première du rallye et aussi une des plus longues.
Mais 1988, c’est LA saison de Patrick Snijers. L’osmose est parfaite avec la BMW M3 de chez Prodrive. Il gagne presque tout, des Boucles de Spa au Manx Rally et ses petites hyper bosselées sur lesquelles il excelle cette année-là. Seul Ypres lui échappe encore et toujours. A cette époque, Snijers entretient même des contacts avec des équipes d’usine pour se lancer en championnat du monde et son passage chez Toyota pour un programme en mondial est déjà évoqué (il ira bien chez Toyota mais n’y recevra ni le programme ni le matériel escompté).
Et le Rally van Looi confirme rapidement la domination outrageuse de Snijers. Droogmans et sa Sierra RS Cosworth disparaissent des classements le premier jour, laissant au Grand Limbourgeois le soin d’aligner les scratchs. Valère Vandermaesen, sur Mercedes, occupe le deuxième rang mais l’écart se creuse rapidement. Quant à Marc Duez, dont la participation aura surtout permis aux spectateurs d’apprécier les passages généreux et les quelques écarts de trajectoire, il abandonne sans jamais s’être réellement mêlé aux premiers rôles. Il faut dire que sa « petite » Golf ne fait pas le poids face aux propulsions bien plus puissantes de ses adversaires.
La fin de la première journée est marquée par l’abandon de Valère Vandermaesen, trahi par son moteur. Quelques semaines après avoir perdu la victoire à l’Omloop van Vlaanderen dans des circonstances similaires, le régional de l’étape est à nouveau malchanceux ici. Snijers est plus qu’inabordable et le seul suspense qui demeure pour la seconde journée réside dans le duel pour la deuxième place que se livrent désormais Guy Colsoul (Mitsubishi Starion Turbo) et Marc Soulet (Ford Sierra RS Cosworth). Un face-à-face qui tourne finalement à l’avantage du laitier de Landen pour 3 petites secondes à peine. Mais à plus de 6 minutes de Snijers tout de même ! Derrière ce trio de tête, Ivan Viaene termine 4e en Sierra RS Cosworth. Il devance le vainqueur du Groupe N, Grégoire De Mévius et sa Mazda 323. Suivent Vermeersch, Saelens et Monin dans cet ordre.
La 9e place est celle des vainqueurs de la classe A7, les frères Brouwers sur Opel Manta. Le top 10 est cloturé par Vital Budo sur une Renault 21 Turbo totalement inadaptée ! Et on retrouve encore quelques noms connus dans la suite du classement. Frank Broekaert et sa BMW aux couleurs "Eldi" terminent au 14e rang. Marc Timmers, présent dans le cadre du challenge AX, termine 24e. Et à la 28e place pointe le régional Ronny Hosten sur sa petite Toyota Starlet. Un pilote qui s'est rendu célèbre ces dernières années au volant d'une originale Corolla Kit-Car.
Et pour savourer entièrement ces souvenirs, voici une vidéo partagée sur youtube par Olivier Lodewijckx, l'un des instigateurs de ce Memorial. Il est peut-etre encore temps de vous y rendre. Le départ est prévu à 13h ce samedi après-midi !
Quel choix pour Thierry Neuville ?
Depuis plusieurs semaines, les discussions vont bon train quant à l’avenir de notre compatriote Thierry Neuville en WRC. Cette saison, il a signé plusieurs belles performances au volant de la Hyundai i20 WRC. Néanmoins, il y eut aussi quelques moments de doute et des prestations plus effacées. De nombreux observateurs avaient placé beaucoup d’espoirs dans l’équipe coréenne, mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Depuis ses débuts en 2014, il y a bien eu des progrès, mais ceux-ci sont assez lents. Et alors que l’on s’attendait à voir Thierry Neuville exploser définitivement, notre meilleur rallyman actuel n’est pas en mesure de se battre pour le titre mondial. Il doit même composer désormais avec les performances de son équipier Hayden Paddon. Si nous nous réjouissons de voir le Néozélandais percer au plus haut niveau, sa progression fulgurante commence à mettre à mal le statut de pilote n°1 de Neuville chez Huyndai.
Le but ici ne sera certainement pas de dire ce que Thierry doit faire ou ne pas faire. Lui seul a toutes les cartes en main pour prendre une décision. Et ses choix de carrière, qui sont aussi des choix de vie, ne reviennent qu'à lui et à ses proches. Mais comme il est de bon ton de commenter tout ce qui se passe, même lorsqu’on est dans l’ignorance, nous ne passerons pas à côté de cette occasion de débattre du futur de notre pilote maison.
Il y a quelques mois déjà, un passage de Neuville chez Volkswagen avait été évoqué. Un tel changement serait tout de même très risqué. Thierry serait-il en mesure d’affronter l’ogre Ogier, a la forte personnalité, dans une même équipe ? François Duval avait fait un choix comparable en rejoignant Sébastien Loeb chez Citroën en 2005, et cela avait finalement nuit à sa carrière. Nul doute qu’il pourrait en être de même pour Neuville si il rejoignait Ogier. Et de plus, Volkswagen dispose d’autres excellents pilotes avec Latvala et Mikkelsen, ainsi que d’une réserve de jeunes, à savoir Lappi et Tidemand, via la marque-sœur qu’est Skoda. D’ailleurs cette piste Volkswagen est de moins en moins évoquée ces dernières semaines.
On parle aussi parfois d’un retour de Thierry chez Ford. Il avait été vice-champion du monde en 2013 avec la Fiesta WRC. Mais les choses ont changé depuis. Les résultats de l’équipe M-Sport sont en déclin depuis l’année passée. Ott Tanak fonctionne au coup par coup, tandis qu’Elfyn Evans fonctionne… ou ne fonctionne plutôt pas ! La Fiesta WRC pourrait être la voiture la moins performante des 4 WRC actuelles, bien qu’il soit difficile de juger ces jeunes pilotes qui n’ont que peu de références. Toujours est-il que le choix de Ford pourrait s’avérer très dangereux pour Thierry, qui n’est pas sur de retrouver chez M-Sport les mêmes performances que chez Hyundai. Mais l’équipe de Malcolm Wilson ne manque jamais de ressources pour revenir au premier plan…
Il y aussi l’équipe Citroën. La DS3 WRC est restée une excellente voiture. Le manque de résultats de la marque aux chevrons ces derniers temps est probablement plus lié à ses pilotes qu’à leur monture. Si Mads Ostberg est très régulier, il ne gagne pas et semble un peu juste pour se battre pour le titre. Et si Kris Meeke peut être extrêmement rapide et jouer la victoire, il commet encore trop d’erreurs que pour bien figurer au championnat. Yves Matton, le directeur de Citroën Sport, a d’ailleurs émis le souhait de changer sa paire de pilotes l’an prochain. Yves Matton, un autre de nos compatriotes qui pourrait être une belle porte d’entrée pour Thierry chez Citroën. Seul bémol, et il est de taille, un retrait de l’équipe française en 2017 est plus qu’évoqué. Il va donc de soi qu’un passage chez Citroën sans garantie d’avenir ne serait pas une solution idéale pour notre germanophone volant.
Et puis, il reste bien sûr la possibilité (plus probable ?) de rester chez Huyndai. Thierry commence à connaitre la maison, celle qui lui a donné sa première victoire mondiale l’an passé. Une nouvelle voiture arrive pour l’an prochain, et qui sait si elle ne pourrait pas être en mesure de rivaliser avec Volkswagen ? Thierry dispose sans doute d’éléments lui permettant de juger du futur de la marque coréenne en rallye mieux que n’importe lequel d’entre nous.
Enfin, il y a la piste Toyota. La marque japonaise devrait faire son retour officiel en rallye d’ici 2 ans, et pourrait y investir des moyens considérables. Alors, à la manière de ce qu’a fait Sébastien Ogier en se liant à Volkswagen bien avant que la Polo WRC ne soit alignée en course, un pilote de pointe pourrait rejoindre Toyota dès maintenant. Cependant, beaucoup de doutes planent encore sur l’engagement de la marque. Avec quelle voiture et via quelle structure seront-ils présents ? Ces interrogations ne cachent-elles pas un manque d’organisation et un flou plus large encore ? Le retour de Toyota pourrait être un pétard mouillé, un peu à la façon de son passage manqué en Formule 1 il y a quelques années. Rejoindre les Japonais pourrait donc aussi être très risqué.
Les possibilités qui s'offrent à Thierry Neuville sont donc nombreuses. Si la situation est celle qu'elle est actuellement, on sait à quel point tout peut évoluer rapidement en rallye. Nul ne sait de quoi demain sera fait. Et l'important est finalement qu'un pilote belge soit au plus haut niveau et montre qu'il peut se mesurer aux meilleurs du monde. C'est ce que Thierry fait depuis plusieurs saisons maintenant. Souhaitons juste qu'il puisse continuer à nous faire vibrer encore bien des années, et peut-être déjà à la fin de ce mois en Allemagne...